Berlin en liesse, comme il y a vingt ans
Rioux, Christian
Berlin - Berlin a revêtu ses habits des grands jours. Dans Unter den Linden et Friedrichstrasse, les touristes sont venus de partout. Depuis des jours, la capitale ne vit plus qu'au rythme de l'anniversaire des vingt ans de la chute du mur de Berlin qui mit un terme à la guerre froide et à la division de l'Europe tout entière. Devant la porte de Brandebourg, où passait autrefois le Mur, les tréteaux sont en place pour accueillir les représentants des quatre anciennes forces d'occupation de Berlin. Dans tous les coins de la ville, des expositions, des affiches et des animations soulignent ces commémorations qui atteindront leur sommet aujourd'hui. Vingt ans après la gigantesque liesse qui s'était emparée de Berlin le 9 novembre 1989, environ 100 000 personnes sont attendues ce soir dans les rues de la ville.
Depuis samedi, les Berlinois viennent en famille admirer les 1000 stèles en polystyrène qui ont été plantées sur 1,5 km, du Reichstag à la Potsdamerplatz. Décorées par 15 000 jeunes Allemands de motifs évoquant la fin de la guerre froide, elles tomberont ce soir comme un jeu de dominos géant. En attendant, les marchands de saucisses et de vin chaud font de bonnes affaires le long du parcours. De passage à Cologne pour un colloque, le Dr Benoît Trottier a fait le détour avec deux collègues de la clinique L'Actuel de Montréal. «J'avais vu Berlin pour la première fois en 1990 et je n'en reviens pas de l'évolution de la ville», dit-il. Dès ce matin l'endroit sera réservé aux officiels et aux télévisions du monde entier qui ont déjà jeté leur dévolu sur la plupart des lieux stratégiques de la capitale.
Cet après-midi, la chancelière Angela Merkel ouvrira le bal en traversant symboliquement le pont Böse près de la Bornholmerstrasse. C'est par ce petit pont en fer qui enjambe des voies ferrées au nord de la ville que les premiers habitants de Berlin-Est traversèrent le mur le 9 novembre au soir. Lorsque les contrôles furent levés, 20 000 personnes passèrent en une heure à peine. La chancelière sera accompagnée de l'ex-président soviétique Mikhail Gorbachev, de l'ancien dissident et président polonais Lech Walesa ainsi que de représentants d'organisations de défense des droits de l'homme. Il y a vingt ans, devant le pont, des milliers de Berlinois de l'Est avaient crié «Nous sommes le peuple!», exigeant l'ouverture immédiate après l'annonce officielle un peu plus tôt par le secrétaire Günter Schabowski que l'Allemagne de l'Est permettrait dorénavant la libre circulation de ses citoyens à l'Ouest.
En début de soirée, Angela Merkel, Nicolas Sarkozy, Gordon Brown, Hillary Clinton et Dimitri Medvedev prononceront des discours devant la porte de Brandebourg. Puis, l'ancien syndicaliste Lech Walesa fera tomber un premier groupe de dominos afin de rappeler que c'est en Pologne que les dissidents remportèrent leurs premières victoires dans les pays communistes. La chute du dernier domino déclenchera un feu d'artifice et une série de spectacles regroupant des vedettes internationales. Les présidents et chefs d'État assisteront ensuite à un concert dirigé par le chef israélo-argentin, et Berlinois d'adoption, Daniel Barenboïm.
Même si la journée n'est pas fériée, dans tous les coins de la ville, les Berlinois feront la fête. Une chaîne humaine devrait se former sur l'ancien tracé du mur. Comme dans Les Ailes du désir, le film de Wim Wenders, des anges s'élèveront le long de l'Ebertstrasse qui relie la porte de Brandebourg à la Postdamerplatz.
MacKay représentera le Canada
L'édition du dimanche du quotidien Die Welt n'en rappelait pas moins que la réunification avait coûté à l'Allemagne 1300 milliards d'euros. Les 28 pays membres de l'Union européenne ont tous délégué des représentants aux cérémonies. Le Canada sera représenté par le ministre de la Défense, Peter MacKay. Pour l'occasion, l'ambassade canadienne présente une exposition de photos de la célèbre agence Black Star conservées à l'Université Ryerson de Toronto.
Hier, sur la Potsdamerplatz, de jeunes Berlinois faisaient la moue en découvrant que les vieux rockers du groupe du New Jersey Bon Jovi chanteraient ce soir. Quelques légers incidents ont marqué cette semaine des événements entourant l'anniversaire. Le concert gratuit donné jeudi par le groupe irlandais U2 devant la porte de Brandebourg a soulevé la colère de plusieurs Berlinois lorsque ceux qui n'avaient pas de billets se sont heurtés à un mur en grillage recouvert de toiles qui les empêchait de voir le spectacle. L'événement était organisé par la chaîne MTV à l'occasion de la remise des Europe Music Awards. Plus tard, lors de la cérémonie de remise des prix qui se déroulait dans l'aréna O2 World à Berlin, les membres du groupe allemand Tokio Hotel ont été hués quand ils se sont exprimés en anglais uniquement au moment d'aller chercher leur prix. Selon de nombreux analystes, avec la réunification, l'Allemagne a retrouvé une certaine fierté nationale. Bref, on n'aurait pas vu ça il y a vingt ans.